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"Pour bien aimer un pays, il faut le manger, le boire et l'entendre chanter." [Michel Déon]
11 janvier 2012

"You can take the girl out of China, but you cannot take China out of the girl !"

Au lieu d’écrire un article ayant pour thème "Le retour des adieux et comment ça me fait pas trop kiffer ma race", je vais plutôt écrire un article intitulé : "Comment la Chine m’a rendue invincible".

Car oui, à deux semaines de la fin, il est temps de faire un bilan. Le bilan de ce que près de 17 mois de vie dans le dortoir universitaire des étudiants étrangers de l’Université du Shandong, sur le territoire chinois, m’ont apporté. Parfois allègrement contre mon gré, soit dit en passant.

Avant de venir conquérir l’Empire du Milieu, je me vantais déjà de ne pas être trop difficile sur la question du confort. 12 ans chez les z’éclés, ça m’avait forgé le caractère. La différence, subtile, c’est qu’aux z’éclés, ça durait trois semaines maximum. Après, quand on avait eu notre bouffée d’exotisme à la dure avec boue et douches froides, on rentrait chez nous, dans notre délicieux confort, et on prenait une douche chaude (ndlr : quelque soit l’heure) en se disant qu’on était trop des warriors. Ici, tout à coup, c’est devenu la vraie vie. Non, bon, certes, il y a moins de boue. Mais il y a aussi des douches froides.

 

En septembre 2010, quand Internet coupait, j’allais me plaindre à l’accueil. En janvier 2012, si Internet coupe, je bois une tasse de thé. D’ailleurs, même quand Internet ne coupe pas, je bois une tasse de thé quand même.

En septembre 2010, quand ma page Internet ne chargeait pas, je m’énervais. En janvier 2012, quand ma page Internet ne charge pas … je la recharge. Inlassablement.

En septembre 2010, un Rennes-Paris de 3h en TGV, c’était un peu long sur la fin. En janvier 2012, un Shanghai-Kunming de 36h en assis dur, c’est un peu long sur la fin.

En septembre 2010, "bruit qui empêche de dormir" était synonyme de "quelqu'un écoute de la musique la porte fermée trois chambres plus loin". En janvier 2012, "bruit qui empêche de dormir" signifie "fête congolaise dans la cuisine en face de ma chambre avec trois russes qui hurlent dans le couloir à 3h00 et deux coréennes qui poussent des OOOOOOOH à 4h00". Auquel cas je mets mes boules Quiès et … me rendors.

En septembre 2010, il faisait froid à 0°C et chaud à 25°C. En janvier 2012 il fait froid à -10°C et chaud à 38°C. 0 et 25 sont toutes deux d’agréables températures.

En septembre 2010, une coupure d’eau chaude était l’étape juste avant la fin du monde. En janvier 2012, une coupure d’eau chaude se règle avec deux bassines et une bouilloire. C’est quand l’eau froide coupe que ça devient fatigant.

En septembre 2010, l’idée de manger du chat, du chien ou des cigales grillées me donnait plus ou moins des hauts le cœur. En janvier 2012, j’assume le fait d’avoir payé 50 kuai pour une assiette de chien, je sais que toute viande estampillée "agneau" est en fait complètement du chat, et je vous annonce qu’une cigale grillée en brochette, c’est goutû et juteux.

En septembre 2010, j’aurais un peu rechigné à manger quelque chose tombé par terre sur le sol français. En janvier 2012, je sais que quelque chose tombé par terre sur le sol français est probablement nettement moins dangereux pour ma santé que quelque chose servi dans un restaurant chinois.

En septembre 2010, je venais d’un pays où il paraît que les arabes volent les scooters. En janvier 2012, c’est moi qui volerais bien le scooter des arabes, pour qu’ils arrêtent de faire du bruit avec la nuit.

En septembre 2010, je pensais que tous les asiatiques se ressemblaient. En janvier 2012, je repère un coréen au milieu d’un troupeau de chinois. Et fais parfaitement la différence entre Thaï, Mongol, Japonais ou occidental d’origine asiatique.

En septembre 2010, le bruit d’un chinois se raclant le fond des poumons pour cracher dans la rue, c’était dégueulasse. En janvier 2012 … quel son ? J’ai pas entendu.

Voilà. En janvier 2012, une petite vieille se frappant le dos contre un arbre ou un homme d’affaire jouant avec son portable Hello Kitty accroupi sur un muret ne sont absolument pas matière à se retourner dans la rue. En janvier 2012, le froid, le chaud, le bruit, les odeurs, plus rien ne me dérange.

En janvier 2012, si on récapitule, j’ai voyagé assise dans des trains lents pendant des dizaines d’heures, ai mangé de la streetfood dans des ruelles dégueulasses, me suis baignée dans une des mers les plus polluées de la planète, ai respiré le smog chinois au quotidien, ai probablement également respiré des retombées radioactives en provenance du Japon, ai fait des balades de santé à 4500 mètres d’altitude, ai vécu des passages de 25°C à -5°C les pieds dans la neige en moins de 48h, je me suis saoulé à l’alcool de riz artisanal Miao du fin fond du Guizhou, j'ai ingéré plus de piment qu’il n’est raisonnable pour un être humain, ai probablement tapissé mon estomac d’huile de caniveau recyclée, me suis trouvée dans des bus chinois sur des routes de montagne bordant des précipices sans barrières quand le chauffeur était au téléphone, je suis allée aux toilettes dans des endroits où la définition du mot "toilettes" est "rangée de trous dans le sol sans portes et sans murs", ai chopé des coups de soleil à 2500 mètres d’altitude, ai vécu des nuits allant de 6h du matin à 15h de l’après-midi, ai attendu un taxi sous la neige pendant une demi-heure avec des chaussures perméables et chopé l’angine de ma vie, ai pris des douches froides à 4h du matin en rentrant de soirée, ai régulièrement mis la clim dans ma chambre à 10°C de moins que la température extérieure, ai vidé beaucoup trop de pots de beurre de cacahuètes à la petite cuillère, ai bu du thé tibétain au beurre de yack et de l’alcool dans lequel avait macéré des hippocampes séchés, ai traversé quotidiennement la rue en Chine …… et suis toujours en vie.

Mon corps a fabriqué tellement d’anticorps que j’en ai à revendre et ne serai plus jamais malade. Je suis imperméable à toute agression odorifère ou sonore.  Ou visuelle (le sens de l’esthétisme vestimentaire de certains chinois est une agression visuelle.)

Ma patience et ma tolérance se sont décuplées à un point frisant l’indécence.

Je suis insubmersible.

386485_10151018740695577_676540576_21750087_1903692175_n (Ca c'est une rue sans passage piétons que j'ai traversée, avec un aperçu de l'air que j'ai respiré.)

(PS : Le titre est de Hikari, grande poétesse de notre temps, et la photo est de Max)

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Commentaires
D
Attention au premier week end au Diben. L'air pur, le pain celte, le Van houten, les crêpes beurre sucre et le silence risquent de provoquer un choc traumatique !!!<br /> <br /> On va essayer de te trouver un peu d'huile de caniveau recyclée pour les jours de manque mais si jamais je te vois jeter un regard de convoitise sur PIYU je te renvoie en Chine en colis postal par bateau ;-)))))
S
Ben va falloir qu'on te nettoie tout l'intérieur avec ces cochonneries que t'as ingurgité !<br /> <br /> <br /> <br /> Et quand même, c'était bien chouette ce blog et ces belles lectures que tu nous as offertes. <br /> <br /> <br /> <br /> Allez, grouille-toi ma poule, la raclette est en train de fondre.<br /> <br /> On t'attend impatiemment.<br /> <br /> Soizic
V
Sans doute le dernier, mais quel plaisir de te lire ! Je t'embrasse et à très bientôt<br /> <br /> <br /> <br /> Véro
"Pour bien aimer un pays, il faut le manger, le boire et l'entendre chanter." [Michel Déon]
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