Penser à penser à l'avenir.
Pif paf pouf.
Cela fait maintenant 4 ans que je revendique le fait de n’avoir pas passé le cap des 17. On le sait tous, je préfère Arthur Rimbaud à la plupart des êtres vivants. On le sait tous, on n’est pas sérieux quand on a 17 ans. Je ne voulais pas devenir sérieuse. Du coup, j’ai décidé que j’allais avoir 17 ans pour toujours. Solution un peu facile, on est d’accord, mais qui me convenait assez bien. Résolution que j’ai tenue avec brio, reconnaissons-le. Moi, j’aimais bien pouvoir faire n’importe quoi en me planquant derrière le poème Roman.
Mais bon, un beau jour foin des bocks et de la limonade, et foin des badinages adolescents, il semblerait qu’avoir des tilleuls verts sur la promenade ne fasse plus tout dans la vie.
Et la suivante question, aux insupportables sonorités adultes, se pose alors d’elle-même avec la légèreté d’un parpaing : que vais-je faire de ma vie, bordel ?
Bon, j’me vois bien interprète de conférence à l’ONU, j’me vois bien émigrant à Montréal, je traverserais bien l’Europe en stop, et puis j’aimerais tant voir Syracuse. Certes. Projets louables, mais dans l’immédiat il y a semble-t-il d’autres choix à faire. D’autres questions à se poser. PLEIN d’autres questions à se poser.
Ai-je envie d’une bourse d’étude octroyée avec grâce par le gouvernement chinois ? Une bourse d’étude de quoi ? Hein ? Quelles études ? Un master pour apprendre à apprendre le chinois aux étrangers ? Ok. Ai-je envie à l’issue du master, de m’engager à enseigner le chinois pendant 5 ans quelque part en France ? 5 ans ? C’est long. Ai-je envie de m’engager jusqu’à mes 30 ans, telle est la question. Est-ce qu’à 30 ans, j’aurai pas envie de faire autre chose de ma vie que d’intégrer le master d’interprétation de l’ESIT pour devenir interprète de conférence à l’ONU ? Si non, quand est-ce que je deviens interprète de conférence à l’ONU ?
Est-ce que je veux commencer à travailler à 35 ans et partir en retraite probablement après ma propre mort, tout ça parce que j’aurai voulu passer deux ans de plus à Shanda aux frais du Hanban ? Alors, sinon, quelles alternatives ? Un autre master à Shanda ? Un qui ne m’engage à rien ? Est-ce que j’ai envie d’étudier n’importe quoi juste pour être en Chine ? Ou bien l’idée initiale : le master à l’INALCO. Est-ce que j’ai envie d’habiter à Paris (ah, tiens, ça fait au moins une question dont j’ai déjà la réponse) ? Ou bien trouver un travail en Chine, n’importe lequel.
Est-ce que je veux être en France, ou en Chine ? Est-ce que je veux être en Chine, ou à Shanda ? Est-ce que, avant que ma jeunesse s’use et que mes printemps soient partis, on va me laisser devenir Montréalaise, bon sang ?
Voilà. Prière de trouver une réponse à chacune des questions sus-citées avant la date limite de dépôt des dossiers de demande de bourse. Voici venu le temps (des rires et des chants … ah, ben non tiens !) de prendre des engagements à long terme. Voici venu le temps où "vivre d’amour et d’eau fraîche en élevant des chèvres sur le plateau du Larzac" n’est plus une possibilité viable. Ouais parce que même si c’est ça que je décide de faire, les questions : "Tu les trouves où tes chèvres ?", "Tu la trouves où l’eau fraîche ?", et "Tu le trouves où l’amour ?" vont devoir se trouver réponse à leur pied. Plus rien n’est simple, depuis qu’Arthur Rimbaud a compris que, passé un certain âge, c’était bien beau d’être amoureux et loué jusqu’au mois d’août, mais ça remplissait pas les assiettes, et qu’il était donc urgent de se trouver dard-dard une activité lucrative. Genre du trafic d’armes en Ethiopie, une valeur sûre.
Donc, penser à penser à l’avenir. Et à l’avenir, penser à penser tout court. Et penser à ne pas trop penser, aussi, des fois.
(Sinon, Cali a écrit une chanson qui s’appelle Pensons à l’avenir et qui commence sur la phrase : "Sommes nous juste en train de prendre du bon temps, ou quelque chose comme ça ?" Ce qui est également une excellente question, si vous voulez mon avis. Et même si vous le voulez pas, d’ailleurs.)
(En fait, il y a un fleuve russe nommé Amour, par ailleurs frontière avec la Chine. Si je vais élever mes chèvres là-bas, ça règle plein de problèmes à la fois, un fleuve étant par définition plein d'eau fraîche.)
Moi enseignant le chinois à mes chèvres sur les rives du fleuve Amour. Je sais, j'ai du talent.