Ma vie est un bordel international

En tant que français, il faut l’avouer, nous ne manquons pas d’atouts : des yeux potentiellement bleus, et point trop bridés, des cheveux potentiellement clairs, des formes (oui, car le chinois lambda est un cure-dents), une gargantuesque maîtrise du second degré … Nous venons par là dessus de la so romantic pays de le France et, accessoirement, imiter l’accent anglais n’a pas de secret pour nous, même à l’écrit. Nous sommes douteusement courtois et polis à l’excès : en achetant une bouteille d’eau nous arrivons à caser environ cinq fois le mot merci, nous nous excusons auprès de chaque personne que nous touchons, disons « au revoir » en sortant d’un magasin et débarrassons nos plateaux chez MacDo. Tout ça te semble normal ? Ici, crois-moi, cela relève du vaste délire.

Mais justement. Loin dans les sphères de notre snob élégance française qui nous fait épeler Guerlain aux profs en cours d’oral (oui, j’ai fait ça), la franche camaraderie asiatique à la limite de l’agression nous échappe un peu. Je t’ai conté il y a peu nos mésaventures coréennes, tu as donc saisi l’idée. Par ici, à l’est de la carte du monde, alpaguer son prochain en le huant violemment, en le plaquant contre le mur et en lui déclarant tout de go qu’il est très beau est monnaie courante.

Dans le microcosme bouillonnant qu’est le bâtiment des étudiants étrangers de Shanda, notre conception so french des relations humaines est donc quelque peu bouleversée. L’intégralité du monde semble considérer comme normal de débuter une conversation par « Hello, I’m from XXX, d’you have a phone number ? »  (Well, the only thing I know about you is your face and the sound of your voice when you say “phone number” so, yes I have one, and no you’re not gonna get it.)

Nous commençons à appréhender la chose, puisque de toute évidence Shanda n’est pas une université mais une grande agence matrimoniale voire un club échangiste. Mais nous ne sommes pas dotés de la Korean touch (tu sais, celle qui te fait surgir près de quelqu’un avec ton appareil photo, lui dire « pictuuuure ! » et le prendre en photo avec toi … J’te jure, tu te sens un peu pris en orage dans des situations pareilles) Alors forcément, dès qu’il s’agit d’accoster l’incarnation de la coolitude made in Thaïlande, nous sommes bloqués.

Car oui, notre idole est Thaï. Vegeta, alias Song, alias « j’ai la classe, cherche pas, tu peux pas test, j’ai pris rebelle-attitude en LV3 … » est notre but ultime, notre objectif, notre Everest personnel. Alors ouais, on a trooop perdu 6 ans d’âge mental, et on veut trooop d’asseoir à côté de lui en classe pour pouvoir trooop écrire avec lui des dialogues fous dans lesquels le professeur Liu rencontre Mafei et Wang Yesheng (rebondissements, suspense et frissons garantis), mais on n’ose pas trooop lui parler parce qu’on est timides, parce que la Russie parsème notre chemin d’obstacles et parce que, je l’avoue, on a peur de se prendre un Kamehameha dans la figure.

Pourtant, nous pourrions l’éblouir de par notre polyglottisme (parce que je commence mes phrases en espagnol, que je les finis en anglais, et que je sais dire bonsoir en arabe) et notre connaissance aiguë de la boxe thaï (euh … oui, ben on peut faire semblant nan ?) Aah, qu’il est dur d’être français et courtois en ce monde de brutasses mal dégrossies … Du coup, seul l’avenir nous dira ce qu’il adviendra de nos relations diplomatiques avec la Thaïlande, en attendant je parsème cet article de photos à haut caractère international (des français, des saoudiens, des allemands, des chinois et des finlandais en veux tu en voilà). A bientôt pour de nouvelles aventures par delà les frontières de la normalité !